Peut-on aimer commettre l'injustice ? Platon - Extrait et questions

Dans le Gorgias, Platon, philosophe grec de l’Antiquité, met en scène un dialogue de son maître Socrate avec le célèbre sophiste Gorgias, son élève Polos et un personnage nommé Calliclès. Ils discutent de la valeur de la rhétorique, c’est-à-dire l’art de bien parler, qui permet de gagner du pouvoir.

Dans ce contexte, ils se demandent si l’on peut être heureux en gagnant du pouvoir par l’injustice, prenant l’exemple du tyran Archélaos, qui aurait réussi grâce à des crimes successifs à sortir de l’esclavage pour parvenir au pouvoir suprême. Dans le passage ci-dessous, Socrate et Polos débattent alors de la question suivante : vaut-il mieux subir une injustice ou la commettre ? Polos considère qu’il vaut mieux la commettre.

Extrait :

SOCRATE. – Examinons en premier lieu si l’injustice commise cause plus de douleur que l’injustice reçue et si ceux qui la commettent souffrent plus que leurs victimes.
POLOS. – Pour cela, non, Socrate.
SOCRATE. – Ce n’est donc pas par la douleur que l’injustice commise l’emporte.
POLOS. – Non certes.
[…]
SOCRATE. – Reste donc que c’est par l’autre.
POLOS. – Oui.
SOCRATE. – Par le mal.
POLOS. – C’est vraisemblable.
SOCRATE. – Puisque faire une injustice l’emporte par le mal, la faire est donc plus mauvais que la recevoir.
POLOS. – Évidemment.
SOCRATE. – Or n’est-il pas admis par la plupart des hommes et ne m’as-tu pas avoué toi-même précédemment qu’il est plus laid de commettre l’injustice que de la subir ?
POLOS. – Si.
SOCRATE. – Et nous venons de voir que c’est plus mauvais.
POLOS. – Il paraît que oui.
SOCRATE. – Maintenant préférerais-tu ce qui est plus laid et plus mauvais à ce qui l’est moins ? N’hésite pas à répondre, Polos : il ne t’en arrivera aucun mal. Livre-toi bravement à la discussion comme à un médecin et réponds par oui ou par non à ma question.
POLOS. – Non, Socrate, je ne le préférerais pas.
SOCRATE. – Est-il un homme qui le préférât ?
POLOS. – Il me semble que non, du moins d’après ce raisonnement.
SOCRATE. – J’avais donc raison de dire que ni moi, ni toi, ni personne au monde ne préférerait commettre l’injustice à la subir, puisque c’est une chose plus mauvaise.
POLOS. – Il y a apparence.

PLATON, Gorgias, tr. Emile Chambry, édition numérique Chicoutimi, 2005 (réalisée à partir de l'édition GF, 1967), p. 76-78.

Questions :

1. Quel sens peut-on donner, dans le dialogue, aux termes "mal" et "mauvais" ?

2. Comment Socrate parvient-il à convaincre Polos ? Quelle est sa stratégie argumentative ?

3. Vaut-il mieux subir l’injustice ou la commettre ? Présentez votre point de vue de manière argumentée.